La fraude fiscale représente environ 80 milliards d’euros. C’est davantage que le montant du déficit public prévu pour 2015 (70 milliards). Alors, faut-il laisser les choses en l’état ? Supprimer encore plus de services publics ? Augmenter les impôts pour les plus modestes ? Ou lutter véritablement contre la fraude fiscale ?
L’impôt devrait servir, à la fois, au financement des besoins de la population, à la correction des inégalités et au développement économique durable.
La fraude fiscale est une forme de vandalisme qui affaiblie nos finances publiques et par conséquent dégrade nos services et biens publics. Ainsi, les fraudeurs sont directement responsables de la suppression d’écoles, de routes, d’hôpitaux... En plus de quoi, ils font porter le coût de leurs actes sur les citoyens qui payent honnêtement leurs impôts.
Pour cette raison, entre autres, la crise des finances publiques est, contrairement aux idées reçues et habilement entretenues, une crise non pas des dépenses, mais bien des ressources.
De plus, la législation, rendue de plus en plus complexe, permet aux plus riches et puissants (les mieux conseillés) d’échapper à l’impôt. Cette législation compliquée rend les contrôles plus difficiles et aboutit à focaliser le contrôle fiscal, beaucoup plus simple à réaliser, sur les revenus salariés. Près de 100% des revenus tirés des salaires et des pensions sont soumis à vérification tandis que seules 5% des entreprises sont contrôlées !
Mais, l’enjeu de la lutte contre la fraude n’est pas que budgétaire. Il s’agit aussi d’une nécessité de justice et de démocratie. Le but premier du contrôle fiscal, doit être la prévention des comportements frauduleux qui brisent l’égalité de traitement face à l’impôt.
Des lois et des règlements opaques privent les citoyens du contrôle démocratique qu’ils devraient être en droit de pouvoir exercer. Les impôts et contributions ne devraient pas être payés à contre-cœur. Pour cela, ils doivent être justes et compréhensibles. C’est pourquoi, une réforme globale de la fiscalité vers plus de justice et d’efficacité est nécessaire.
Normalement, toute société qui vend des produits ou services sur le territoire français doit payer de la TVA. Pourtant, des entreprises peu scrupuleuses ont réussi à créer des mécanismes permettant de frauder massivement cette taxe.
La TVA comment ça marche ?
Pour expliquer le système de fraude (voir schémas), prenons l’exemple d’une usine allemande qui produit des jouets. Lorsqu’un jouet est vendu pour 100 € à un grossiste français, cette vente, réalisée entre deux pays différents, est facturée hors-taxe.
Une fois en France, le grossiste revend le jouet à un magasin pour les fêtes de Noël au prix de 150 €. Cette fois, la vente se fait TTC, le grossiste facture de la TVA au magasin et la reverse à l’État (30 €). Le magasin, lui appliquera la TVA sur un prix de vente de 200 €, soit 40 € de TVA ; il versera à l’État ces 40 € sous déduction de ce qu’il a déjà versé au fournisseur soit 40 - 30 = 10 €.
Dans le cas d’une fraude de type « carrousel », une ou plusieurs sociétés temporaires ou même fictives vont être crées entre le fournisseur allemand et le grossiste.
Les jouets de notre exemple sont toujours achetés au prix de 100 € mais par une société fictive et éphémère, qui va les revendre au grossiste 100 € TTC, en lui facturant donc 20 € de TVA qu’elle conservera. Le grossiste va revendre le jouet au magasin 120 € TTC en facturant une TVA de 24 €. Ayant déjà versé 20 € de TVA à son fournisseur fictif, la grossiste, ne doit plus verser que 4 € de TVA à l’État.
L’intérêt ? La société fictive éphémère est créée en accord avec le grossiste et l’usine allemande avec laquelle il est en affaire par ailleurs. Donc, dans notre exemple en étant en affaire directement le grossiste réalise un bénéfice de 20 €, contre 24 € avec le schéma de fraude.
Sachant que l’intérêt majeur de cette fraude est aussi de faire baisser les prix en multipliant les sociétés fictives et éphémères dans différents pays avec à chaque fois la facturation d’une TVA non reversée, il arrive même que la marchandise revienne au point de départ, après avoir escroqué les finances publiques de différents pays européens ! d’où le nom de carrousel.
Depuis quelques années, les différentes lois de finances ont fabriqué une multitude de niches fiscales et rendu la législation de plus en plus complexe. Les opportunités de fraude se sont alors multipliées et les fraudes devenues de plus en plus sophistiquées.
En 10 ans, le nombre de conseillers fiscaux a fortement augmenté (+ 60 %) tandis qu’à Bercy 20 % des emplois étaient supprimés. Tout ceci a donc permis le développement d’une fraude fiscale massive.
Des emplois
Il est urgent de créer, en nombre suffisant, des emplois publics pour lutter contre la fraude et cela à chaque étape essentielle du contrôle fiscal (accueil, gestion des dossiers, contrôle, recouvrement). C’est un enjeu économique majeur de financement mais aussi de justice !
La législation
Il faut également donner des moyens juridiques nouveaux aux services fiscaux afin de lutter efficacement contre la fraude. Cela nécessite que la législation soit mieux adaptée pour lutter contre la délinquance fiscale avec un durcissement des pénalités et des peines.
Une réforme fiscale
Il faut une profonde réforme de la fiscalité pour plus de justice et d’efficacité. Un système plus simple et plus juste, rendrait la tentation de frauder beaucoup moins grande. La population serait ainsi bien plus attachée à ce que ces règles soient respectées par tous !
La frontière est mince entre optimisation, fraude et évasion fiscale. L’évasion fiscale peut utiliser des moyens légaux (optimisation) ou illégaux (fraude), elle utilise toujours les différences de législation entre les États ou territoires, c’est pourquoi elle a une dimension internationale.
Dans tous les cas, la complexité de la législation fiscale facilite l’évaporation de milliards d’euros des caisses des États.
Le dumping fiscal et social que se livre les États entre eux, incite les grandes entreprises et les plus riches contribuables à se tourner vers les pays offrant un système fiscal le plus favorable. Ceci a des effets catastrophiques pour les États qui perdent des recettes fiscales mais aussi pour les pays d’accueil qui fragilisent leur budget en cédant à cette course suicidaire (exemple de l’Irlande).
En France, l’évasion fiscale est estimée à 50 milliards d’euros par an. Le Parlement européen, à son niveau, l’estime à 1000 milliards d’euros chaque année !
Dans tous les cas, ce sont toujours les populations qui payent l’addition en se substituant aux mauvais payeurs et en perdant des services publics essentiels à leur qualité de vie.
Apple a inventé ce stratagème repris ensuite par plusieurs multinationales dont Google. La société Google US Inc va concéder brevets et marque à une société irlandaise : Google Ireland Holdings. En échange, cette société paye une redevance minime à Google US Inc ; ainsi, la Société Google US Inc va limiter ses bénéfices, alors que la Société Google Ireland Holdings va avoir des bénéfices gonflés.
La particularité de l’Irlande est d’avoir un taux d’imposition sur les sociétés beaucoup plus faible (12,5%) qu’aux États-Unis (35%).
Mais c’est encore trop, alors Google va utiliser une disposition particulière du droit fiscal irlandais qui permet d’exempter d’imposition en Irlande une société irlandaise dont le centre de management effectif se situe à l’étranger. Or, Google Ireland Holdings a son centre de management effectif aux Bermudes...où l’impôt sur les bénéfices n’existe pas.
Google Ireland Holdings va diriger une filiale (Google Ireland Limited) installée à Dublin qui, elle, emploie plusieurs milliers de personnes.
Google Ireland Holdings va concédé la redevance, qu’elle même paye très peu, à sa filiale (Google Ireland Limited) pour un montant astronomique de plus de cinq milliards de dollars. Ces deux sociétés représentent le « double Irlandais ».
Ces milliards proviennent de l’activité de Google pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique soit près de 90% du chiffre d’affaire de Google hors Amériques.
Et ce n’est pas fini
Une disposition du droit fiscal irlandais, (une patent box) prévoie que les redevances liées à la propriété intellectuelle subissent un taux minime si elles sont transférées hors d’Irlande.
Donc, Google pourrait en rester là, mais un taux minime c’est encore beaucoup trop, alors entre les deux sociétés, va s’interposer une société Néerlandaise (Google Netherlands Holdings BV), coquille par laquelle vont transiter les milliards entre l’Irlande et les Bermudes.
En effet, dans la Patent boxe irlandaise, il est prévu également que les redevances liées à la propriété intellectuelle et transférées au sein de l’Union européenne sont totalement exemptées.
Voilà comment les profits de Google ne sont imposés nulle part.
Une fois aux Bermudes ces milliards, attendent une disposition exceptionnelle du gouvernement américain, permettant un rapatriement à prix d’ami ; comme en 2005, lorsque l’Administration Bush avait permis le rapatriement contre une imposition exceptionnelle de 5 %, alors que le taux normal aux États-Unis est de 35 %. Les 500 plus grands groupes américains stockent aujourd’hui plus de 2.000 milliards de dollars à l’étranger, en attendant une telle mesure.
A noter que le gouvernement irlandais a annoncé en 2014 la fin pour 2020 des sociétés hybrides, de droit irlandais mais domiciliées fiscalement hors d’Irlande. Cette décision pourrait signifier la fin du double irlandais, mais pas de l’évasion, les multinationales ayant jusqu’en 2020 pour trouver de nouveaux stratagèmes.
Il faut d’urgence :
dresser une liste exhaustive des paradis fiscaux et judiciaires, selon de nouveaux critères (fiscalité, blanchiment, régulation financière, transparence, coopération) ;
prendre des sanctions à l’encontre des paradis fiscaux et de leurs utilisateurs, notamment en taxant les flux en direction ou en provenance de ces territoires ;
obliger les utilisateurs des paradis fiscaux, banques et entreprises multinationales, à rendre des comptes et cela notamment en rendant automatique l’échange de données bancaires et en les obligeant à publier des informations pays par pays ;
travailler à une harmonisation fiscale et sociale en Europe.
1000 milliards d’euros d’évasion fiscale dans les pays de l’Union européenne par an
350 milliards d’euros de déficit dans les pays de l’union européenne en 2015
60 à 100 milliards de manque à gagner en Europe à cause de la fraude à la TVA intracommunautaire
80 milliards de fraude fiscale en France chaque année
1,9 million d’entreprises sont soumises à l’impôt sur les sociétés
3,9 millions d’entreprises en France hors agriculture
1,2 million d’artisans en France
177 899 contrôles fiscaux sur pièces des professionnels en 2014
47 776 contrôles fiscaux approfondis dans les entreprises en 2014
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